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Stabilité et confort

Par Marie Francoise Mariette

Stirrha Sukkham Asanam : 2.46

Trouver la stabilité et le confort dans la posture

Les yogas Sutra de Patanjali, des aphorismes qui remontent à la création du monde, succincts et extrêmement pourvus de sens, ils vont droit au but sans prendre de détours, quelquefois d’ailleurs nous en percevons le sens sans que cela nous parle vraiment. Ce n’est que lorsque nous en faisons l’expérience que les mots résonnent en nous et même s’épanouissent pour refléter plusieurs facettes, les interprétations que l’on en fait peuvent être multiples et se vérifier dans bien des situations de cours et de pratique.

Lorsque l’on a complété un certain nombre de formations de yoga nous avons très certainement entendu: « Stirrha Sukkham Asanam ». Pour ma part, la première fois que je l’on m’en a parlé c’est lors de ma formation en Vinyasa avancé à New York, il y a plusieurs années avec Rodney Yee et Colleen Saidman. Alors que, dans notre monde actuel, l’on a de cesse de parler de dépassement de soi, de compétition et de performance à n’importe quel prix et bien des fois au détriment de notre santé physique voire même mentale, Rodney pendant cette formation nous a parlé de confort et de stabilité, de modération et d’écoute. Fuir la douleur et rechercher l’aisance dans la posture. Mais l’aisance ne vient que lorsque notre posture est stable et confiante, que lorsque nous nous sentons bien posés sur nos pieds, en résumé, « bien dans nos baskets ».

Tout part de la base, et c’est pour cela que j’ai choisi cet aphorisme, cette phrase pour moi illustre bien la pratique du yoga et met de côté tous les débordements et les extravagances. Comme lorsque l’on construit une maison, elle ne tiendra debout que si les fondations sont solides et stables, alors on pourra construire dessus mais pas avant. Donc, pas la peine de brûler les étapes, de se contorsionner dans tous les sens pour arriver à la posture finale, si la base n’y est pas on pourra toujours courir après la posture comme l’on court après nos illusions (Maya) et encore moins après le confort, en résumé, rien ne s’alignera pour former un tout.

Car c’est bien là la vraie nature de la pratique du yoga, savoir aligner tous les éléments pour se sentir bien dans la posture et la faire correctement. C’est aussi savoir être assez patient pour ne pas forcer son corps dans une flexion avant ou bien dans une torsion ou autre, savoir accepter de ne pas brûler les étapes pour ne pas se blesser, savoir reconnaître les signaux que le corps nous envoie, rester dans le confort et ne pas accepter l’inconfort, sa voir cultiver la patience.
C’est aussi savoir s’écouter, connaître ses limites, s’accepter tels que nous sommes sans se comparer parce que nous sommes tous uniques avec nos qualités et nos défauts, nos forces et nos faiblesses.
Je suis sûre que ceci doit rappeler à un grand nombre de professeurs de yoga des situations de cours que nous avons tous vécues, combien de fois avons-nous prévenu nos élèves de ne pas se pousser, de prendre l’option qui leur convient, d’être attentif à leur corps, et d’accepter de ne pas aller plus loin aujourd’hui…
Contrairement au domaine du sport et de la compétition où l’on demande de se pousser à l’extrême sans se soucier des conséquences sur le physique mais aussi sur le mental, le yoga enseigne la mesure dans chaque geste. Sans parler de la maîtrise du souffle qui est la base essentielle de la pratique du yoga, là aussi l’enseignement du pranayama est dans la mesure et le minimalisme. Brûler les étapes de la respiration ne mène à rien.

De plus, dans les concepts de confort et de stabilité on retrouve aussi les notions de connexion et de présence avec soi-même, d’où la nécessité une fois de plus de trouver son support, ses points d’ancrage pour pouvoir se tenir debout et d’en être conscient. Nous savons tous que pour effectuer une posture d’équilibre, il ne suffit pas de fixer un point devant nous, il faut aussi avoir la conscience de l’ancrage, des pieds ou bien des mains bien plantés dans le sol et cette conscience est vécue pleinement par notre mental. En résumé, lorsque nous nous sentons présents avec nous-même alors nous effectuons la posture dans le confort et la stabilité.

Le confort signifie également que nous avons trouvé l’aisance à tel point que nous pouvons faire l’expérience du contentement, comme si enfin nous avions trouvé l’équilibre parfait.
A ce stade de la posture, la respiration est facile, la circulation de l’énergie se fait avec aisance, nous ouvrons les portes énergétiques du corps, Ida et Pingala, notre côté lunaire et solaire, masculin et féminin, notre Ying et notre Yang s’équilibrent pour laisser libre circulation à Sushumna cette énergie vitale dans la ligne médiane de notre corps qui peut enfin s’exprimer et remonter jusqu’à notre chakra sacré pour connaître le contentement et l’illumination, cet état parfait où tout s’harmonise, tout devient limpide, où nous comprenons même de façon intuitive ou inconsciente que c’est pour cela que nous pratiquons le yoga.

Enfin, on peut aussi appliquer ce Sutra à la vie de tous les jours. Si nous menons une vie stable, structurée, dans un contexte familial harmonieux, tout est facile et confortable. Mais nous savons tous qu’au moment où notre structure s’efface sous nos pieds, où notre univers est bouleversé, que ce soit en famille ou au travail, notre esprit devient confus, comme si le brouillard s’installait tout d’un coup, comme si ce qui était valable hier ne l’était plus aujourd’hui.

Construire des bases solides, se construire dans la solidité tout en gardant un équilibre entre le physique et le mental, c’est bien une des finalités de la pratique du yoga. Le chemin peut être long parfois mais cela en vaut vraiment la peine.

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