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Être ou ne pas Être ? Daniel Pineault

Tel est le yoga!

Patanjali a défini, cinq siècles avant notre ère ce qu’est véritablement le yoga traditionnel. Certains considèrent que: « Ce qui n‘est pas dans le Yoga Sutra n’est tout simplement pas du yoga…!. Ce point de vue peut-il être adapté à notre époque où l’intelligence semble devenir de plus en plus artificielle?

Les définitions suivantes furent déjà présentées dans les articles précédents:

• Yoga et sa racine sanskrite YUJ qui signifie: unir, ré-unir, rassembler ;
• Yoga est sannahanam: préparation visant la réalisation d’un but ;
• Yoga est upayam: l’outil pour accomplir la démarche et atteindre le but visé ;
• Yoga est dhyanam: préparer à la méditation ;
• Yoga est sangati: connection de deux choses jadis distinctes qui doivent être liées ensemble ;
• Yoga est yukti: les trucs, les méthodes et les moyens pour arriver à nos fins ;
• Yoga est anushasanam: la pratique et l’étude du yoga sont dans la continuité de la tradition ;

Le yoga traditionnel - un bref survol des 4 chapitres du Yoga Sutra:

Samadhi padah - le premier chapitre des Yoga Sutras - confirme que le yoga est une démarche vers le Samadhi: état de réalisation complète dans lequel le yogi connait tout ce qu’il a à connaître, réalise tout ce qu’il a à réaliser, jusqu’à renouer avec sa nature véritable. Le yoga EST une démarche d’intégration verticale qui élève la conscience à son plus haut niveau. Ainsi tout ce qui demeure au niveau de la satisfaction horizontale et la complaisance dans les formes, les sens, les méthodes et les modes passagères si plaisantes soient elles, N’EST PAS du yoga.

Sadhana padah - deuxième chapitre - précise que le yoga est une pratique, un cheminement spirituel, utilisant la notion d’effort et d’ascèse pour atteindre l’objectif. Sadhana propose les Huits Membres du Yoga de Patanjali, une structure définissant le domaine d’action du yoga: d’abord l’harmonie des relations externes - Yama; ensuite les observances personnelles - Niyama; la pratique des postures - Asana; le contrôle de l’énergie respiratoire - Pranayama; la maîtrise des sens - Pratyahara; la pratique de la concentration - Dharana; l’accès à la méditation - Dhyana; et l’objectif ultime - le Samadhi. Ainsi le yoga EST ce processus structuré pour atteindre l’état de conscience le plus élevé. Une démarche qui ne considèrerait pas la structure des huit membres du yoga de Patanjali N’EST PAS du yoga.

Vibhuti padah - troisième chapitre - précise les aspects subtils de la pratique méditative en suggérant des dizaines de supports méditatifs, affirmant ainsi la nécessité de la méditation dans le processus du yoga. Le yoga EST méditatif, il doit mener à la méditation. Autrement, ce qui contribue à la dispersion, à la sensualisation, à l’extériorisation N’EST PAS du domaine du yoga.

Kaivalya padah - quatrième chapitre - ouvre la voie à l’aspect philosophique de la libération. Libérer de quoi au juste ? UN: Libérer de la souffrance et des agents irritants de votre vie tels que la maladie, le doute, la stagnation, l’agitation etc. DEUX: Libérer des contraintes qui limitent votre démarche d’évolution personnelle en terme de Corps-Souffle-Mental. TROIS: vous ouvrir au chemin d’élévation de la conscience. QUATRE: Libérer (philosophiquement) votre conscience individuelle (Jiva Atma) de ses attributs de manifestation (Tri Gunas) pour qu’elle réalise son unité avec la conscience universelle (Para Atma). Le yoga EST l’élévation de la conscience. Aussi, tout ce qui ne contribue pas à cette élévation N’EST PAS du yoga.

Être ou ne pas être ? Vivre ou mourir ?

Le yoga promeut l’être à son plus haut degré de raffinement, il supporte la vie pour qu’elle puisse s’expérimenter à son plus haut niveau de joie (bhoga) et de béatitude (shanti). La mort existe en yoga du fait que le vieux ou l’inutile, doit laisser place au nouveau, afin de favoriser l’élévation de la conscience. Si vous savez séparer le neuf du vieux, le bon du mauvais, la santé de la maladie, le vrai du faux, vous êtes une personne qui suit le chemin véritable du yoga.

La tradition et la modernité ?

Aujourd’hui en 2020, il semble de mise de considérer que tout soit yoga. Il est bien entendu possible de relier n’importe quelle démarche contribuant un tant soit peu à la connaissance personnelle, à une expérience particulière (posturale, énergétique ou mystique), comme si elles faisaient partie du yoga. Une chose est certaine, en respect des conceptions yogiques qui ont traversé les millénaires: Le yoga traditionnel est un processus clairement défini qui vise l’évolution de la conscience humaine. D’innombrables yogis ont depuis des millénaires, tracé cette voie.

Quel yoga enseignez-vous?

Il arrive fréquemment en tant qu'enseignant, que je me fasse demander: Quel yoga enseignez-vous? La question est certainement de mise aujourd’hui alors que foisonnent autour de nous des dizaines de types, de styles et de propositions de yoga les plus audacieuses les unes que les autres. Parfois mal à l'aise avec cette question, je cherche une réponse courte en spécifiant le nom de mes professeurs Indiens ou même en affirmant que j'enseigne le yoga de Patanjali. Cherchant à être plus précis, j'ai posé la question à Desikachar, mon professeur du Sud de l’Inde. Il me répondit tout simplement: « Et bien répondez que vous enseignez le yoga… c'est tout! À l’origine il n’y avait qu’un seul yoga, celui qui apaise le mental et élève la conscience. Si ça vous plaît, appelez-le le yoga classique, mais pour moi il n'y a qu'un seul yoga, et moi… j'enseigne le yoga! »

Oui mais il faut bien évoluer !

Un jour où je présentais le Pranayama à des futurs enseignants, un élève fit une démonstration d'une technique de ventilation pulmonaire qui n'était pas documentée dans les textes classiques. Je lui ai dit que cette technique était sans doute originale, mais que ce n'était pas du yoga. Il me répondit: « Oui mais il faut bien évoluer! » Et moi en retour: « Certainement qu'il faut évoluer, mais comprenez bien que tout n'est pas yoga. La teneur du yoga a été définie depuis des millénaires et le simple fait d'utiliser des postures ou des exercices spéciaux ne constitue pas un Asana, pas plus que le fait de respirer de façon originale ne constitue du Pranayama. Tout, en yoga, doit contribuer à la paix de l'esprit et au rapprochement d'un état de conscience élevé. Une personne qui se définit comme un enseignant de yoga devrait connaître et valoriser la matière qu'elle enseigne avant de proposer des approches parallèles ou alternatives qui n'ont que peu à voir avec la visée originale de l’enseignement. »

Oui mais il faut suivre la mode !

Comprenez tout de même que je ne suis pas dupe, je sais que les choses évoluent et je sais que les façons de rejoindre les gens doivent elles aussi s’adapter. C'est pourquoi suite au yoga dit classique, il y eu en Inde des catégories de yoga conventionnels: Kriya, Karma, Bhakti, Jñana, etc. Il y eu beaucoup plus tard des yoga identifiés à certains maîtres tel Shivananda et plus récemment Iyengar et encore par la suite des styles très variés. Aujourd'hui l'éclosion de tout ce que vous pouvez imaginer est associée au yoga pour donner des résultats parfois très éloignés de la source. Oui certainement il faut évoluer, mais il faut gardez le respect approprié pour cette discipline yogique qui a fait ses preuves et qui est efficace depuis toujours.

Sans se faire alarmiste !

Tant que l’intelligence demeurera principalement humaine, le yoga classique, ce processus de retour à la Source, demeurera pertinent. Si un jour l’intelligence devenait principalement artificielle, la masse du peuple sera soumise aux automatismes et aux restrictions de cette intelligence artificielle soi-disant supérieure. Seuls les yogis véritables et rebelles continueront de chercher par leurs propres moyens la vérité spirituelle unique source qui donne la vie à la matière.

Le yogi doit chercher l’ensemble !

Un jour, mon professeur me raconta une anecdote: Des aveugles qui marchaient, rencontrèrent un éléphant. Le premier saisit une jambe, croyant que c'était une colonne. Le second saisit la queue, croyant que c'était une corde. Le troisième saisit la trompe, croyant qu'il s'agissait d’un boyau. Le dernier toucha le côté de l’éléphant, croyant qu'il poussait un mur. Mon professeur affirmait que le vrai yogi voit l'éléphant tout entier. Le yoga devrait former un tout, inséparable. Tel devrait être l’identité du yoga.

Daniel Pineault

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